Pendant mes consultations, je suis régulièrement interrogé sur l’efficacité du millepertuis.
Je vous transmets ci-dessous des extraits d’une fiche Vidal résumant la situation de ce produit qui semble être un vrai médicament avec une certaine efficacité (uniquement dans des états très modérés de dépression) mais aussi avec des effets secondaires et surtout des interactions avec beaucoup d’autres médicaments dont des médicaments que beaucoup d’entre vous prennent.
Ne considérez donc pas le millepertuis comme un produit mineur, mais comme un vrai médicament avec des avantages et des inconvénients qui ne doit pas être pris sans avis et suivi médical régulier.
La lecture critique que je fais des données scientifiques, est que l’efficacité de millepertuis ne semble avérée que pour des « états dépressifs légers ». La durée des traitements dans ces études était de quatre à huit semaines.
Pour les spécialistes de dépression il s’agit très probablement de mouvements passagers de baisse de l’humeur, qu’il ne faut pas confondre avec le diagnostic d’une maladie dépressive qui se manifeste entre autres par une baisse de l’humeur toute la journée permanente pendant au moins deux semaines d’affilée. Le diagnostic doit être fait par un professionnel de la santé habitué à recevoir des patients souffrant de dépression.
À mon avis, la dénomination de dépression est détournée en utilisant l’expression « dépression légère » pour vous faire croire que ces médicaments agissent dans la maladie nommée dépression, alors que l’on parle certainement uniquement de coup de blues transitoires qui auraient disparu spontanément avec ou sans prise de millepertuis. On peut se demander quelle est la part de l’influence sur ses recherches de l’industrie pharmaceutique et en particulier des firmes qui fabriquent le millepertuis et qui le vendent.
Je préfère, en ce qui me concerne me fier aux recherches scientifiques sérieuses qui ne reposent pas sur des conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique.
Si votre trouble de l’humeur est durable, régulier et permanent sur plus de deux semaines alors il est indispensable de consulter un médecin et de prendre le traitement qu’il vous conseillera, sous sa surveillance afin d’éviter d’en subir les effets négatifs.
De plus, comme l’indiquent les données scientifiques, les multiples interactions du millepertuis avec d’autres médicaments risquent de vous mettre en danger et risque aussi de retarder les soins des personnes souffrant de dépression. En effet l’interaction avec les antidépresseurs semble avérée et il est déconseillé de prendre en même temps de millepertuis et des antidépresseurs. En termes clairs les patients qui souffrent d’une dépression risquent de ne pas prendre ou d’arrêter un traitement qui leur serait bénéfique et ainsi de ne pas se soigner et laisser évoluer la maladie qui s’en soins ne fêtent que s’aggraver.
Par ailleurs, mon expérience m’a montré que si effectivement les médicaments antidépresseurs peuvent avoir indiscutablement des indications dans des états dépressifs sévères, souvent ils ne suffisent pas, surtout lorsque le patient présente des rechutes. Il est alors à mon avis indispensable, de prendre un avis spécialisé à la recherche du diagnostic précis. Par ailleurs, le spécialiste vérifiera s’il existe une indication de type psychothérapie, en particulier d’une thérapie comportementale et cognitive qui ont démontré leur efficacité dans la prévention des rechutes dépressives au cours de plusieurs études scientifiques. Cet avis spécialisé recherchera également des facteurs psychologiques comme par exemple des problèmes d’estime de soi qui peuvent être responsable du maintien de certains états dépressifs.
Rappelons que la dépression est une vraie maladie, que les patients subissent avec une souffrance morale parfois insupportable avec dans certains cas un risque suicidaire. En aucun cas il ne s’agit d’un problème de manque de volonté. Comme toute maladie elle nécessite des soins sérieux effectués par des professionnels responsables.
Chaque cas est différent et que chaque patient nécessite une analyse personnelle faite par un professionnel habitué à traiter des états dépressifs afin de déboucher sur la prise en charge la plus appropriée dans son cas.
Fait à Lyon le 5 février 2020
Extrait de la fiche Vidal du 21 juin 2019
L’effet du millepertuis sur les symptômes dépressifs a été confirmé par plus d’une trentaine d’études contrôlées avec placebo, portant sur plus de 4.000 patients. Les résultats de ces études ont montré que les extraits de millepertuis étaient aussi efficaces que les médicaments de la dépression (antidépresseurs de synthèse classiques) dans le cas d’états dépressifs légers à modérés. Par contre, le millepertuis semble insuffisamment efficace pour soulager durablement les états dépressifs modérés à graves. Dans ces études, la durée du traitement était de quatre à huit semaines. Il s’agissait donc d’épisodes dépressifs temporaires et non de dépression durable.
Les résultats de ces études cliniques ont été suffisamment convaincants pour que les autorités sanitaires de plusieurs pays, dont la France, acceptent de reconnaître comme médicaments des produits à base de millepertuis dans le traitement des dépressions transitoires, légères à modérées. Le millepertuis est la seule plante dont l’usage est reconnu dans cette indication. L’usage local de l’huile de millepertuis repose uniquement sur la tradition.
Contre-indications du millepertuis
L’usage du millepertuis est déconseillé aux personnes qui souffrent de troubles bipolaires (maniaco-dépression), du fait de la possibilité d’apparition de crises maniaques. Certaines personnes sont allergiques au millepertuis.
Effets indésirables et surdosage du millepertuis
Les effets indésirables du millepertuis sont limités : troubles digestifs bénins, bouche sèche, maux de tête. Des réactions de photosensibilisation ont été observées, particulièrement chez les personnes à peau claire : l’exposition, même modérée, aux ultraviolets déclenche des rougeurs de la peau, des démangeaisons, l’apparition de petits boutons, etc. En règle générale, les personnes qui utilisent des produits à base de millepertuis (en applications locales ou par voie orale) doivent éviter de s’exposer au soleil ou aux lampes à bronzer.
Interactions du millepertuis avec d’autres substances
Le millepertuis interagit avec un très grand nombre de médicaments et de plantes, ce qui en limite fortement l’usage : plus de 70 substances ou familles de substances ont été identifiées comme interagissant avec le millepertuis ! Ce phénomène est dû à l’activation, par l’hyperforine, d’une enzyme du foie responsable de l’élimination de nombreuses substances, ce qui peut accélérer l’élimination de nombreux médicaments et diminuer leur efficacité.
Parmi les médicaments dont l’action ou la toxicité est modifiée par le millepertuis, on peut citer : la plupart des médicaments des troubles cardiaques, les contraceptifs oraux (pilule), les antidépresseurs, la plupart des médicaments contre le VIH/sida, les médicaments de la migraine de la famille des triptans, les anticoagulants oraux (fluidifiants du sang), les antiépileptiques, certains hypolipémiants (médicaments de l’excès de cholestérol), certaines chimiothérapies anticancéreuses, les médicaments des maladies auto-immunes et des greffes d’organe, certains anti-inflammatoires et médicaments de la douleur, les suppléments de fer, etc.
Le millepertuis pourrait également interagir avec des plantes (le ginkgo, la valériane, l’aubépine, la passiflore, etc.) et avec des substances présentes dans certains compléments alimentaires comme par exemple le 5-hydroxytryptophane (5-HT) ou la S-adénosylméthionine (SAM-e).
Une règle s’impose : si vous prenez un médicament quel qu’il soit, ou une plante, ou un complément alimentaire, demandez systématiquement conseil à votre médecin ou votre pharmacien avant de prendre un produit à base de millepertuis.
Millepertuis, grossesse et allaitement
L’Organisation mondiale de la santé et le NIH déconseillent l’usage du millepertuis chez les femmes enceintes et chez celles qui allaitent. Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), l’usage du millepertuis chez les femmes qui allaitent « peut être envisagé » sauf pour celles qui prennent une contraception orale (pilule, dont l’efficacité est réduite par le millepertuis).
Le millepertuis chez les enfants
La Coopération scientifique européenne en phytothérapie déconseille l’usage du millepertuis chez les enfants de moins de six ans ; elle recommande un dosage égal à la moitié de celui d’un adulte chez ceux de six à douze ans. Des études sur l’efficacité du millepertuis contre l’hyperactivité et les troubles de l’attention chez l’enfant n’ont pas donné de résultats convaincants.
L’avis du spécialiste sur le millepertuis |
En France, les médicaments contenant du millepertuis sont disponibles sans ordonnance. Au vu des risques élevés d’interactions avec d’autres substances, il est légitime de se demander si cela est une bonne chose. Pour cette raison, la province de Québec envisage actuellement d’imposer une prescription médicale pour obtenir un produit à base de millepertuis. Avec ou sans ordonnance, l’usage du millepertuis devrait toujours se faire sous contrôle médical. |
Sources et références
- Guide des plantes qui soignent, Vidal, 2010
- PDR for Herbal Medicines 4th edition, Thomson Healthcare, US 2007
- European Scientific Cooperative On Phytotherapy Monographs – The Scientific Foundation for Herbal Medicinal Products 2nd edition, ESCOP, UK 2003
- PDR for Nutritional Supplements, Thomson PDR, US 2001
- The Complete German Commission E Monographs – Therapeutic Guide to Herbal Medicines, American Botanical Council, US 1998