« Mon ado ne m’aide pas à la maison pendant la période de confinement »

Le problème :

« Votre ado passe ses journées à téléphoner et à jouer sur son ordinateur pendant que vous travaillez sans arrêt dans la maison… »

Sophie, 52 ans, en arrêt maladie depuis deux mois, en confinement avec son mari et sa fille âgée de 18 ans, me raconte lors d’une de nos dernières téléconsultations : « je suis fatiguée… je m’occupe de tout dans la maison… mon mari travaille à l’hôpital, il est confronté au coronavirus ,il rentre exténuer, il a besoin de se reposer, il ne lui reste que peu de temps pour m’aider… mais ma fille, dès qu’elle a fini ses cours passe le reste ses journées, de ses soirées du week-ends devant son ordinateur et à téléphoner à ses copains… elle ne m’aide pas du tout… ».

Peut-être certains d’entre vous ont-ils connu ce genre de situation ! Certains d’entre vous se sont-ils retrouvés dans la position de la mère ou de la fille lorsque vous aviez son âge !

Je vous propose de voir ensemble comment nous avons travaillé  avec Sophie sur ce problème.

Les solutions

Mettre à jour les pensées négatives qui nous empêchent d’agir

C’est le premier temps de la thérapie. Ces pensées négatives bloquent nos actions. Elles empêchent Sophie de demander de l’aide à sa fille.

Lorsque je demande à Sophie si elle a demandé de l’aide à sa fille, elle me répond, un peu exaspérée: « elle voit bien tout ce que je fais dans la maison … elle pourrait proposer de l’aide à sa mère quand même… ».

Frédéric : « oui mais elle ne le fait pas… lui avez-vous déjà demandé  de l’aide ? »

Sophie : « oui et lorsque je lui demande, elle m’aide sur le moment, et puis après elle retourne sur ses ordinateurs et sur son téléphone … et le lendemain ça recommence, elle ne m’aide plus … »

Frédéric : « Quelles sont vos pensées  lorsque votre fille vous répond comme cela ? »

Sophie : « elle est grande… elle pourrait  se rendre compte que sa mère est fatiguée et a besoin d’aide… avec tout ce que je fais pour elle… ».

Frédéric : « pensez-vous que les copines de votre fille aident  leur mère actuellement ? » (Technique cognitive nommée la décentration) pour aider Sophie à prendre de la distance par rapport à son problème avec sa fille. PS en italique je précise les techniques issues des thérapies cognitives, si vous voulez apprendre à faire votre auto thérapie et les appliquer vous-même.

Sophie : « c’est vrai, d’ailleurs ma fille me l’a bien fait remarquer… ses copines  se détendent en téléphonant en jouant avec leur téléphone portable … et puis elle a ajouté qu’elle m’avait déjà aidé plusieurs fois… mais je suis obligé de redemander à chaque fois et j’ai vraiment besoin qu’on m’aide… » .

Frédéric : « oui, je sais que cette période de confinement entraîne énormément de travail dans les foyers avec la décontamination , le nettoyage…Vous avez raison sur le fait que votre fille âgée de 18 ans peut vous aider (reconnaissance de la position des besoins de Sophie).

Et je poursuis… : « La question est comment pouvez-vous obtenir vraiment de l’aide de votre fille ? ».

Nos préjugés négatifs peuvent nous empêcher de d’agir.

C’est le cas de Sophie. Sa pensée au départ est : « elle voit bien tout ce que je fais dans la maison … elle pourrait proposer de l’aide sans que je lui demande… ». Pour les cognitivistes, la question n’est pas de savoir si la pensée de Sophie est justifiée, nous ne sommes jamais dans le jugement des pensées de nos patients. En revanche, il nous importe de connaître la répercussion d’une pensée sur l’émotion de la personne.

Cette pensée entraîne des émotions d’irritation et de colère chez Sophie, qui ne va pas oser demander à sa fille de l’aide régulière. Cette pensée empêche Sophie d’être empathique avec sa fille,de reconnaître ses besoins d’adolescente alors qu’elle l’aime tant.

Une des bases de la thérapie cognitive consiste à mettre à jour toutes les pensées négatives qui nous bloquent pour agir et interagir avec les autres. Avant même de travailler sur la qualité de la communication.

Lorsque nous sommes en colère nous risquons parfois des comportements agressifs même envers ceux que nous aimons.

Paradoxalement, Sophie qui a un comportement plutôt passif en ne demandant pas d’aide à sa fille a aussi un comportement agressif,  puisqu’elle ne respecte pas les besoins de sa fille, à savoir vivre son adolescence. Sa fille souffre elle aussi du confinement, elle ne voit pas son petit ami, ses copains et copines de lycée, le reste de sa famille, ses grands-parents…

En affirmation de soi, un comportement est passif, lorsque nous n’exprimons pas nos besoins et que nous laissons l’autre exprimer les siens. Sophie est donc un comportement passif. Elle ne demande pas d’aide à sa fille. Cette dernière, lorsqu’elle n’est pas sa mère à un comportement agressif, elle ne respecte pas les besoins de sa mère (peut-être sans s’en rendre compte). Mais il faut dire que sa mère n’exprime pendant que son besoin. On voit bien le cercle vicieux du quiproquo entre la mère et la fille.

C’est à nous de résoudre un problème relationnel même lorsque c’est l’autre qui a tort !

Les méthodes de thérapie par affirmation de soi ne peuvent pas changer les autres ni même le monde. Le seul objectif réaliste de la thérapie cognitive est de nous changer nous-même et de nous aider à nous exprimer sans agressivité, ce qui est déjà beaucoup.

Après avoir travaillé sur les pensées négatives de Sophie envers sa fille avec des méthodes cognitives, nous pouvons maintenant passer à l’action en aidant Sophie à s’affirmer sans agressivité.

S’affirmer sans agressivité

Cette méthode d’affirmation de soi est utilisée dans un deuxième temps après avoir dédramatisé les préjugés négatifs de Sophie.

En affirmation de soi, il faut chercher à ce que les deux personnes se sentent authentiquement respectées par l’autre.  C’est pourquoi j’ai demandé à Sophie de se mettre à la place de sa fille. Pour ce faire j’ai demandé à Sophie de se remettre dans sa peau d’adolescente et de revivre les besoins d’une adolescente (technique cognitive d’implosion dans notre passé). Puis de s’adresser  à sa fille en lui montrant qu’elle la comprenait, pour ensuite dans un deuxième temps lui faire part de ses besoins en tant que mère. Les psychothérapeutes nomment cette méthode l’empathie partagée. Chacun des deux interlocuteurs essaye de respecter l’autre.

(Reconnaissons que si les personnes qui négocient dans la société civile ou les plateaux de télévision adoptaient ces techniques, les débats seraient  plus calme, respectueux et certainement beaucoup plus productifs, ne pensez-vous pas ? Voir à ce sujet mon article sur le débat entre Macron les gilets jaunes publiés l’hiver dernier sur ce site).

Sophie s’adresse à sa fille en lui disant tout d’abord : « je comprends que toi aussi tu souffres du confinement, tu ne vois pas ton petit copain, ni tes copines de lycée, ni tes grands-parents… et je comprends ton souhait de correspondre avec eux par  téléphone et de te détendre sur ton ordinateur (empathie, respect des besoins de l’autre)…

Sophie pourrait poursuivre en exprimant à son tour ses propres besoins : « mais pour moi aussi le confinement est difficile… j’ai beaucoup de beaucoup de choses à faire dans la maison, … j’en fais beaucoup en ce moment… je suis fatiguée… et j’apprécierais que je puisse m’aider… (expression de mes propres besoins en Je et en respectant l’autre) »

Sophie a  un discours très affirmé. Elle respecte les besoins de sa fille et respecte aussi les siens. Elle n’est donc ni passive, puisqu’elle exprime ses besoins, ni agressive puisqu’elle respecte l’autre.

Dans les faits sa fille a répondu : « mais maman, je suis tout à fait d’accord pour t’aider. Je n’avais pas compris que tu étais si fatiguée… »

On peut comprendre la réponse empathique, respectueuse de sa fille par le fait que cette dernière s’étend sentie respectée, et plus disposée à  écouter les besoins de sa mère.

Solutionner durablement le problème

Le dialogue mère fille est rétabli. Il ne reste plus qu’à appliquer une technique comportementale pour que Sophie obtienne l’aide de sa fille pendant toute la durée du confinement.

 Si vous avez vous-même eu à faire à des adolescents de cet âge vous savez probablement, que même s’ils peuvent avoir d’excellentes intentions, avec leur mère pour l’aider, ils peuvent avoir quelques difficultés à tenir dans le temps. Négocier ensemble un cadre peut beaucoup les aider.

C’est pourquoi j’ai proposé à Sophie, une technique comportementale qui consiste à faire un contrat avec sa fille sur une semaine.

Voici en gros le résultat de nos discussions à ce sujet.
Sophie s’adresse à sa fille : « je te remercie d’avoir accepté de m’aider… je te propose de faire un planning sur la semaine… je te demanderai une heure d’aide par jour… et voici la liste des choses que j’aimerais que tu fasses pour la semaine qui vient… fais cette heure quand tu veux dans la journée lorsque ça t’arrange, vis ta vie, mais je souhaiterais que le travail soit fait… cela me soulagera. Si cela fonctionne cette semaine nous pourrons recommencer chaque lundi à faire un programme pour la semaine ».

Lors de notre téléconsultation suivante, Sophie est très contente, elle a pu avoir cette discussion avec sa fille qui lui a répondu : «maman je suis tout à fait d’accord pour t’aider…  mais peux-tu me laisser faire le ménage quand ça m’arrange dans la journée… ».

Sophie a pu découvrir ainsi qu’il est important de laisser sa fille autonome, décider elle-même quand elle ferait ses tâches ménagères.

Comment faire durer le contrat entre la mère et la fille ?

Il ne nous restait plus qu’à installer le contrat entre Sophie et sa fille dans la durée. Au début de nos consultations, Sophie m’avait dit qu’elle trouvait normal que sa fille l’aide qu’elle ne devrait pas avoir lui demandée. J’ai donc imaginé que Sophie allait peut-être oublier de remercier sa fille lorsque celle-ci ferait le ménage.

Les psychologues comportementalistes nous apprennent que pour maintenir un comportement dans le temps (ici celui d’aide de la fille), il est indispensable de renforcer positivement le comportement.

Est-ce que vous appréciez de recevoir des compliments lorsque vous travaillez bien fait ou lorsque vous avait un geste d’amitié sympathique avec un ou une de vos ami(e)s ?… N’ayez pas honte d’avoir besoin de compliments. Il est normal d’être félicité lorsqu’on fait quelque chose de bien. Et je ne peux que vous incitez à le faire envers ceux qui vous entourent en étant sincères et authentiques bien sûr.

Il est probable que si Sophie ne remercie pas sa fille, celle-ci cessera ses efforts au bout d’un certain temps.

Savoir féliciter l’autre

C’est pourquoi j’ai proposé à Sophie de consolider le contrat dans la durée avec une technique connue par les thérapeutes comportementalistes : le renforcement positif. Afin de faire comprendre la méthode à Sophie, je lui ai demandé de da s’imaginer dans  sa peau d’adolescente comme si elle était la place de sa fille. Et je lui ai alors demandé : « auriez-vous apprécié des remerciements et compliments de votre mère lorsque vous faisiez des activités ménagères pour elle ? » (Décentration temporelle dans l’enfance de Sophie afin de l’aider à mieux comprendre sa fille)

Sophie : « oui c’est vrai moi j’aurais bien apprécié que ma mère me félicite  plus souvent, cela m’aurait certainement donné plus confiance en moi.… »

Sophie a tenu compte de ce conseil et s’est adressé quotidiennement à sa fille lorsque celle-ci avait fait ses tâches ménagères : « j’ai bien noté que tu avais fait ceci ou cela… cela me fait très plaisir… je te remercie… ».

En effet la félicitation pour être efficace doit être fait rapidement après le comportement souhaité.

 Le cercle vertueux d’une amélioration de la relation mère fille s’est enclenché.

À bientôt sur ce site pour de nouveaux articles…

Pour ceux qui veulent en savoir plus, ces techniques sont décrites dans un de mes livres : « Affirmez-vous ! Pour mieux vivre avec les autres » éditions Odile Jacob, existe aussi en format numérique.

Tous droits réservés au docteur Frédéric Fanget, mars 2020

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